Daho Djerbal*
Dès la fin des années 1970, après plus d’une décennie de recherches sur les formes de la domination coloniale, il nous avait été donné en tant que jeune historien de réfléchir sur la pertinence et les limites des démarches d’appréhension de la société algérienne dans le temps présent, la moyenne et la longue durée. Les disciplines et les catégories sociales de la sociologie et de l’historiographie classiques que nous avions apprise dans les bancs de l’université ne nous permettaient plus d’éclairer les crises profondes que notre société traversait dans tous les domaines, avec leur lot d’errements et d’affrontements incessants contre l’ennemi extérieur et contre l’adversaire présumé de l’intérieur.
55 ans après
22-06-2020
Notre projet pour rendre compte d’un processus mis en œuvre en pleine lutte de libération nationale, et qui continuait de produire ses effets plus d’une décennie après l’indépendance, a été d’apporter par nos travaux un éclairage particulier à partir de sources orales puisées auprès de ceux-là mêmes qui ont eu à affronter le problème sur le terrain des faits.
D'abord, qui sont ces hommes ? D'où viennent-ils ? Comment sont-ils arrivés au politique ? Quelle était leur conception du pouvoir, de l'Etat, des hommes et de leur gouvernement ? Cette conception a-t-elle évolué avec le temps et quelles en ont été les déterminations ?
Il y avait donc lieu de s’interroger sur les origines de ces hommes qui ont fait la décision, sur leur formation et leur appartenance politique, le poids relatif des groupes et de ceux qui les représentent dans les partis et dans les institutions qu’ils ont mis en place.
La rencontre avec si Abdallah Bentobbal (1) et l’entretien qu’il nous a accordé, Mahfoud Bennoun (2) et moi-même, a duré près de cinq années, de 1980 à 1985. Il devait être publié dès 1985 par la SNED puis, suite au refus déguisé du DG de cette dernière, par des éditions étrangères. Un peu plus tard, une tentative de le faire paraître dans les éditions de l’ENAG a également échoué.
Le projet de publication est malheureusement resté sans suite. Plus de quarante année plus tard, il nous a semblé d’une extrême importance de le rendre au peuple algérien auquel il était initialement destiné.
*Historien et directeur de la publication de Naqd, revue d’études et de critiques sociales.
1- Un des dirigeant du FLN, dit « Si Abdallah », il a été l’un de fondateurs du mouvement et de ceux qui ont largement participé à sa vie interne tumultueuse. Il a fait partie de la délégation algérienne aux négociations d’Evian, mais s’est retiré de la vie politique après l’indépendance
2- Anthropologue algérien