L’indomptable ténacité du peuple palestinien

Comment la société palestinienne réagit elle à l’arbitraire et aux manœuvres brutales et insidieuses d’un envahisseur raciste qui bénéficie du soutien inconditionnel des Occidentaux?
2017-10-26

Omar Benderra

Economiste, d’Algérie. Membre d’Algeria-Watch


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Comment la société palestinienne réagit elle à l’arbitraire et aux manœuvres brutales et insidieuses d’un envahisseur raciste qui bénéficie du soutien inconditionnel des Occidentaux ? L’oppression coloniale au quotidien est la condition endurée par le peuple palestinien sous la botte de l’armée d’occupation israélienne. Cette insupportable réalité, vieille de plusieurs dizaines d’années, est systématiquement ignorée par les médias dominants. Le quotidien des palestiniens est fait de brimades, d’humiliations et de violences dans un silence complice que peu de voix parviennent à briser. Mais ceux qui escomptent la reddition et la fin de la résistance du peuple palestinien font fausse route. Face à l’injustice s’exprime la volonté indomptable d’affirmer son existence et son droit à la dignité d’un peuple prisonnier dans son propre territoire.

Ce sont ces dimensions sociales et politiques, d’impacts psychologiques de l’oppression et de luttes qu’a choisi de montrer Alexandra Dols dans un film remarquable de maitrise et de sensibilité. Le titre « Derrière les fronts » joue sur l’ambiguïté entre les deux sens, anatomique et guerrier, d’un mot éclairé par un sous-titre explicite « Résistances et résiliences en Palestine ».

Par ses qualités cinématographiques, le film d’Alexandre Dols est de ces points de vue une œuvre d’art didactique. La réalisatrice parvient à montrer très concrètement que la colonisation de peuplement ne consiste pas seulement dans l’éviction, le nettoyage ethnique, des populations autochtones ni dans le vol de leur terre et de leurs propriétés. L’expansion spoliatrice est une entreprise de guerre psychologique permanente contre ceux dont la légitimité de la présence est incontestable et que le mouvement sioniste voudrait voir disparaitre de la surface de la terre.

 

Prison mentale

L’omniprésence d’une armée d’occupation brutale et arrogante, de colons ultra-violents et d’une situation de coercition perverse affecte bien entendu le psychisme de nombreux palestiniens que personne ne protège vraiment. D’autant que l’occupant mène une politique de nettoyage mémoriel et d’effacement de l’identité nationale palestinienne entre mépris pour le plus grand nombre et récupération conditionnelle pour les rares supplétifs que le sionisme considère comme acceptables pour une cohabitation racialement hiérarchisée.

Evitant tout pathos et la tentation d’une démarche fondée sur une psychopathologie de la vie quotidienne, Alexandra Dols a choisi une approche toute en délicatesse construite autour de la personnalité d’une psychiatre palestinienne, la docteure Samah Jabr, qui est la chroniqueuse d’un road-movie de Ramallah à Jérusalem en passant par les ruines du village martyr de Deir-Yassine. Ce voyage est l’occasion de rencontres passionnantes avec des personnalités palestiniennes, de tous horizons et de toutes confessions. Très différents les uns des autres, ils racontent tous une histoire commune ou l’envahisseur israélien est avant tout préoccupé de diviser et d’émietter la société en tentant de briser les volontés pour aboutir à l’effacement de la conscience nationale palestinienne. Ces témoignages vivants jalonnent le film et éclairent sous des angles différents le drame mais aussi la capacité de résistance d’un peuple confronté à la dernière colonisation de peuplement de l’histoire de l’Occident.

Le voyage en Palestine occupée est une aventure éprouvante, rythmée par les barrages filtrants (les fameux « check-points ») de l’armée coloniale. Le barrage, point de contact, lourd de significations, entre occupants et occupés, est l’inacceptable expression d’une domination brutale et méprisante. Les palestiniens sont soumis aux lubies d’une soldatesque aussi indigne qu’omnipotente et sont ainsi entravés dans leurs mouvements de la manière la plus humiliante qui soit.

 

«Les portes de la liberté sont ouvertes par des mains blessées» Docteur Samah Jabr

La caméra capte très efficacement et sans artifice la nature de l’espace muré, clos : les territoires occupés par l’armée coloniale sont objectivement une prison à ciel ouvert, un bantoustan carcéral. Mais ce que parvient à introduire Alexandra Dols est que cette geôle est selon les termes même du docteur Jabr tout autant une « prison mentale ». Rejoignant en cela les observations de Frantz Fanon, la psychiatre palestinienne analyse l’impact déstabilisant de la torture institutionnelle qui est le déni permanent du droit et un discours visant en permanence à dégrader, en interrogeant son humanité, l’image du peuple palestinien.


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Soumises à une pression permanente qui ambitionne de détruire la personnalité nationale dans ses fondements moraux et culturels, les populations bien que très affectées sont loin de se rendre et d’abdiquer leurs droits à l’indépendance et à la dignité. Même si l’occupation coloniale appuyée financièrement par les occidentaux a réussi à embrigader une partie des élites palestiniennes enrichies par la collaboration, la résistance populaire, politique et mentale, derrière les fronts, demeure intacte. Le regard croisé de la cinéaste et de la psychiatre conjugués aux témoignages d’acteurs d’une lutte palestinienne multiforme, confèrent à ce film une profondeur positive originale et particulièrement intéressante. Sans effets ni discours, Alexandra Dols montre avec talent le courage d’un peuple et la puissante positive qu’il exprime.

 

Un film d’Alexandra Dols avec le Docteur Samah Jabr. Sortie en France le 8 novembre 2017.


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