La mémoire des peuples est souvent détournée par les dirigeants politiques corrompus et la trahison des élites renégates. L’exemple de l’histoire algérienne est éloquent en l’espèce. Heureusement qu’il existe des hommes qui ont su malgré l’adversité préserver et transmettre l’Histoire. Parmi ceux-là, il y a René Vautier.
Fidèle à son combat contre le nazisme, ce cinéaste Français, malheureusement méconnu du grand public, a rejoint la résistance algérienne contre le colonialisme français dès le début.
Jeune cinéaste, il réalise à la vieille du déclenchement de la guerre de libération algérienne un documentaire sur l’extrême violence de la conquête française de l’Algérie. Le film intitulé L’Algérie, une nation a été censuré et René Vautier a été condamné pour « atteinte à la sûreté intérieure de l’État ».
En 1956, il rejoint les maquis algériens en passant par la Tunisie. Muni de sa caméra, il donnera un visage et la parole aux combattants algériens. Son film, L’Algérie en flammes, a fait connaître la cause algérienne dans le monde entier.
Quand l’Algérie devient indépendante après sept ans de guerre sanglante, René Vautier s’y installe pour poursuivre son récit algérien. Il réalisera Peuple en marche, le premier film de l’Algérie indépendante. Il restera quelques années en Algérie ou il sera un des responsables des cinémas populaires.
Pour finir son cycle algérien, René Vautier réalisera en 1972 Avoir 20 ans dans les Aurès, un film qui sera primé au Festival de Cannes. Le film raconte l’histoire d’un groupe de jeunes français pacifistes que la guerre d’Algérie transformera en monstres.
Pour écrire le scénario du film, René Vautier a interrogé des dizaines de soldats revenus en chez eux traumatisés par ce qu’ils ont vécu pendant la guerre.
Dix ans après la fin de la guerre d’Algérie, la projection du film dans les salles de cinéma en France a provoqué des troubles à l’ordre public. Un attentat a même eu lieu dans un cinéma parisien. Les nostalgiques de l’Algérie française refusaient toujours que les atrocités de l’armée française soient connues du grand public.
Son engagement anti-colonialiste depuis les années 1950 a valu à René Vautier le titre de cinéaste le plus censuré du cinéma français.
Même en 1997, un homme politique de droite français a voulu interdire la projection du film Avoir 20 ans dans les Aurès, le qualifiant de « provocation et de trahison nationale ». Indéniablement l’œuvre algérienne de René Vautier marquera à jamais la conscience française.
Craignant la disparition des films algériens de René Vautier du patrimoine cinématographique, Les Mutins de Pangée, une coopérative de cinéma française, a édité un coffret DVD de 15 films, dont certains inédits, du réalisateur français.
Olivier Azam, un des animateurs de la coopérative, estime que René Vautier est « le Che Guevara du cinéma français » en raison de son engagement anti-colonialiste et de la cohérence de son œuvre.
Pour lui, René Vautier est un militant doublé d’un artiste à part entière, qui a réalisé ou participé à plus de 180 films toutes catégories confondues.
Avec l’édition de ce coffret contenant huit heures d’images, les cinéphiles, les historiens et les étudiants disposent d’un document essentiel.