Ce dossier a été réalisé dans le cadre des activités du réseau Médias indépendants sur le monde arabe. Cette coopération régionale rassemble Maghreb Emergent, Assafir Al-Arabi, Mada Masr, Babelmed, Mashallah News, Nawaat, 7iber et Orient XXI.
Les mots manquent. Surtout après deux ans. Deux années et plus de 66 000 morts, dont une majorité d’enfants et de femmes, depuis le lancement de la guerre génocidaire d’Israël à Gaza. Et trois fois plus de blessé.es. Soit, au total, de l’aveux même des responsables israéliens, 10% de la population gazaouie. Par leur ampleur, les dégâts sont indicibles dans l’enclave palestinienne, encore occupée à 80% par l’armée israélienne.
Une litanie d’anéantissements ne suffirait pas à décrire à la situation actuelle : génocide envers le peuple palestinien dont les membres sont qualifiés « d’animaux humains », écocide envers l’environnement fort d’une centaine de milliers de tonnes de bombes larguées et l’usage de phosphore blanc, domicide comme l’illustre le ciblage de plus de 90% des habitations et la généralisation de la vie sous tente pour les survivant.es, épistimicide contre le savoir et les lieux de sa transmission, nécrocide car l’explosion systématique des cimetières tue les morts une seconde fois…
Et la souffrance sans nom. Celle de ramasser les morceaux de corps de ses enfants, préalablement numérotés pour pouvoir les retrouver ; celle de survivre au meurtre simultané de dizaines de proches ; celle d’être affamé dans l’indigence ; celle de déplacements continus et aléatoires ; celle d’être dépossédé de son présent, de son passé et de son avenir ; celle de vivre aux abois face à une myriade de technologies de plus en plus meurtrières – ciblage de masse par l’intelligence artificielle, quadricoptères tueurs et robots explosifs, sans évoquer les bombardements aériens, d’artillerie et les snipers. Un génocide lucratif pour de nombreuses entreprises d’armement qui considèrent la Palestine, à l’instar d’autres « théâtres d’opérations », comme des laboratoires technologiques.
La complicité de la majorité des États occidentaux – États-Unis en tête-, par leur soutien inconditionnel, puise autant ses racines dans des traditions coloniales, génocidaires que racistes, qui s’assument sans fard dans nombre de médias dominants ; en France majoritairement détenus par des milliardaires. Malgré l’argutie de quelques dirigeants, l’accomplissement de la barbarie en direct n’a donné lieu qu’à peu de sanctions effectives à l’encontre de l’État génocidaire. Le silence ou la complicité des États arabes, quand ces derniers n’instrumentalisent pas la « cause palestinienne » à des fins de politique intérieure, n’ont d’égal que la poursuite de la normalisation avec Israël dans la région. De l’Arabie Saoudite, de la Syrie ou du Liban, qui sera le prochain ?
Et, ce, en faisant fi des atteintes itératives par Israël et ses complices au droit international et aux exigences humanitaires fondamentales. Malgré les initiatives de la Cour Internationale de Justice, reconnaissant dès début 2024 le « risque de génocide », et les mandats d’arrêt de la Cour Pénale Internationale à l’encontre de Benyamin Nétanyahou et de Yoav Gallant, alors ministre de la Défense, pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre, la situation n’a fait qu’empirer. Au-delà des civils ciblés, plus de 94% des hôpitaux ont été détruits ou endommagés. Nombre de travailleurs humanitaires ont été assassinés, y compris des secouristes en activité. La coutume internationale n’a elle non plus jamais été respectée comme en témoignent la violation unilatérale du cessez-le-feu de janvier 2025 ou encore la prise pour cibles de négociateurs palestiniens. Le constat laisse donc sans mot ni voix.
A l’heure où le laisser-faire reste complet et où le destin de Gaza oscille entre une fosse commune, un projet de riviera, un « plan Trump » aussi surnommé « plan Tony Blair », l’autodétermination des Palestiniens ne semble jamais n’avoir été aussi éloignée. Ils restent dépossédés de leur voix au chapitre, de libre expression pour eux-mêmes.
Seules les mobilisations internationales face à cet écœurement continu, face à cette hypocrisie sélective des valeurs humaines et aux compromis de classes dirigeantes techno-fascistes, redonnent un peu d’humanité au genre humain. La criminalisation de cette solidarité et les accusations d’antisémitisme sont restées vaines : des manifestations aux boycotts, des sit-ins aux sabotages, en passant par les marches internationales, les caravanes et les flottilles, les peuples se soulèvent pour et par le soumoud, l’esprit de la résistance palestinienne. Une réaction non seulement humanitaire, mais avant tout politique contre le dernier avatar colonial, et son expanSionisme sans fin ni limite.
Plus de 270 journalistes ont été tués à Gaza, pour beaucoup délibérément, et les journalistes étrangers sont toujours interdits de pénétrer sur le terrain, sauf via d’exceptionnelles visites guidées par l’armée israélienne. Pour marquer les deux ans de cette guerre génocidaire, et poursuivre son travail d’information libre, le réseau des médias indépendants sur le monde arabe publie, à travers un nouveau dossier, des contributions spéciales, principalement depuis Gaza.
Pour Orient XXI, Rami Abou Jamous, déplacé à Nusseirat, revient dans son journal de bord sur ses énièmes efforts pour cacher la réalité de la guerre à son fils Walid. Pour Assafir Al-Arabi, l’écrivain et chercheur Almeqdad Jamil Meqdad décrit le désarroi des départs forcés, complété par un texte du journaliste Abdallah Abou Kamil sur les tiraillements des adieux familiaux et la force du témoignage.
Pour 7iber, de Rafah à Moussaoui, l’écrivain et traducteur Hassan Harzallah raconte ses exils répétés au rythme des tracts de l’armée israélienne. C’est également sous le prisme des déplacements sans fin que Mada Masr contribue à ce dossier.
De son côté, Babelmed republie les lettres de Rola Abou Hashem, journaliste et mère de quatre enfants, qui évoque son quotidien sous les bombes. Pour Nawaat, depuis Gaza, Ahed Farwana, secrétaire général du syndicat des journalistes palestiniens, détaille la ténacité du travail journalistique, à tout prix. Enfin, Maghreb Émergent publie une synthèse d’analyses, dont un entretien avec un responsable palestinien en Algérie, sur le bilan de ces deux années de guerre génocidaire.
Cliquez pour lire les articles du dossier:
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