La stratégie des États-Unis en Irak et dans la région du Golfe

L’objectif du maintien d’une position d’influence et de puissance  dans  la  région  du  Golfe  arabo persique. implique des constantes historiques dans la stratégie américaine. En effet, que ce soit dans un contexte  d’endiguement de l’autre superpuissance du temps de la
2014-04-09

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L’objectif du maintien d’une position d’influence et de puissance  dans  la  région  du  Golfe  arabo persique.
implique des constantes historiques dans la stratégie américaine. En effet, que ce soit dans un contexte
 d’endiguement de l’autre superpuissance du temps de la guerre froide, ou dans le contexte actuel de la préemption de la montée en puissance des acteurs émergents ou du retour des Russes, les États-Unis ont toujours cherché à limiter les facteurs « anti-accès » (selon la terminologie utilisée aujourd’hui au Pentagone). Le rôle matriciel de la lutte contre ce qui pourrait limiter, voire interdire, l’accès des acteurs américains dans la région, détermine le déploiement des voies et moyens : les opérations et la présence militaires, le positionnement des moyens ISR (Intelligence, Surveillance, Reconnaissance) ; les stratégies d’ingénierie sociale et politique, sur le terrain et indirectes ; ou encore les projets de réformes dans l’espace « Grand Moyen-Orient ». L’Irak est le cas le plus abouti de la stratégie régionale des États- Unis et permet de comprendre comment se déclinent les modes de cette stratégie
L’enjeu géostratégique des États-Unis dans la région :l’accèsLa donnée constante de la stratégie américaine vis-à-vis de l’Irak et de la région est donc l’accès : à la première région exportatriceet réserve mondiale en hydrocarbures ; à des voies de transit mari- time stratégiques pour le commerce mondial ; à la triple périphérie (de la Russie, de la Chine, de l’Europe) et zone d’interconnexion Europe-Asie ; à une région fortement importatrice d’armes ; à des marchés émergents. Le système stratégique, mis en place par les États-Unis à partir du début des années 1980 (dans le contexte de la révolution islamique en Iran et de l’invasion soviétique en Afghanistan), demeure invariable : une alliance formalisée avec Israël et avec l’Egypte par le statut d’allié majeur non-OTAN obtenu en 1989, et des aides en matière de défense importantes (aides annuelles respectivement d’environ 3 et 2 milliards $ et une coopé- ration technologique avancée avec Israël) ; le développement de la coopération militaire et des alliances plus ou moins formalisées avec l’Arabie Saoudite, la Jordanie (alliée majeur non-OTAN1  depuis1996), le Pakistan (allié majeur non-OTAN depuis 2004) et les pays du Conseil de Coopération du Golfe (Bahreïn et Koweït alliés majeurs non-OTAN depuis 2002 et 2004). La politique actuelle a des origines qui remontent à la guerre froide, mais qui à l’époque déjà ne visait pas uniquement l’endiguement de l’Union soviétique et de ses alliés mais également une puissance régionale non-alignée, l’Iran. Cette politique avait été énoncée en janvier 1980 par le pré- sident Jimmy Carter (la « doctrine Carter ») :
« Trois facteurs majeurs constituent nos défis : la croissance soutenue de la projection de puissance militaire de l’Union soviétique au-delà de ses pro- pres frontières ; la dépendance écrasante des démocraties occidentales aux approvisionnements en pétrole du Moyen-Orient ; et les mouvements sociaux, religieux et économiques qui ont mené au changement politique dans de nom- breux pays en voie de développement, telle la révolution en Iran. Chacun de ces facteurs est important et interagit avec les autres. (...) Que notre position soit absolument claire : une tentative par une force extérieure pour prendre le contrôle de la région du golfe Persique sera considérée comme une attaque contre les intérêts vitaux des États-Unis d’Amérique, et une telle attaque sera repoussée par tous les moyens nécessaires, y compris la force militaire. »2.
1. Le statut d’allié majeur non-OTAN donne un accès préférentiel aux exportations d'armes américaines et à la coopération de défense bilatérale (donc de surplus US, pro- grammes de R&D communs, entraînements communs, transferts de technologie). Hormis les États cités ici, les alliés majeurs non-OTAN sont : l’Australie, le Japon et la Corée (depuis 1989) ; la Nouvelle Zélande (en 1997) ; l’Argentine (en 1998) ; la Thaïlande et les Philippines (en 2003), le Maroc (en 2004) ; l’Afghanistan (en juillet 2012).. Jimmy Carter, Discours sur l’État de l’Union, 23 Janvier 1980 Cette nouvelle stratégie a consisté à créer une zone périmètre, dite Asie du Sud-Ouest, allant de l’Egypte au Pakistan et couverte logistiquement – par des bases, le prépostionnement de systèmes d’armes, des systèmes de télécommunications et ISR – par un nou- veau commandement unifié interarmes le CENTCOM (Central Command) à partir de janvier 1983. La zone du CENTCOM com- prend les pays riverains du Golfe et de la Péninsule Arabe, le Pakistan, l’Afghanistan, l’Egypte, la Jordanie, le Soudan, l’Ethiopie, Djibouti, la Somalie, et le Kenya (ces pays africains seront intégrés dans la zone de l’AFRICOM en 2007), en 1998 les pays d’Asie cen- trale sont inclus, et la Syrie et le Liban sont inclus en 2004. Après l’invasion du Koweït par l’Irak en 1990 les États du Golfe ont recher- ché la protection des États-Unis leur accordant une présence sur leur territoire3. Après les attentats du 11 septembre 2001, les États du Golfe ont vu dans la « guerre globale contre le terrorisme » une opportunité de légitimer pour des raisons sécuritaires leurs politiques répressives tout en resserrant les liens stratégiques avec Washington.L’interventionnisme préemptif des États-Unis dans la région dans la période post-guerre froide vise la sécurisation de l’accès afin de s’assurer des marges de manœuvre dans un contexte global marqué par le glissement du centre de gravité stratégique global vers l’Asie et l’émergence du multipolarisme4. Face à la montée en puis- sance des États-continents comme pôles influents de l’ordre global (Chine, Russie, Inde), et également de l’émergence (réémergence)
3. Les États-Unis ont signé des accords de coopération de défense avec le Bahreïn en 1991 (la 5e Flotte qui a été réactivée en 1995 est basée depuis lors au Bahreïn), le Qatar en 1992 (le QG du US Central Command s’y est installé en 2002), et les Émi- rats arabes unis en 1994. En outre, les six États du Conseil de Coopération du Golfe (CCG : Arabie, Qatar, Koweït, EAU, Oman, Bahreïn) ont négocié ou renégocié des accords d'accès pour les forces américaines.4. Le terme “préemption” n’a aucune acception juridique dans le vocable straté- gique US. Il renvoie plutôt à un dépassement de la stratégie de dissuasion pour une posture plus anticipatrice. La stratégie de préemption qui a été successivement codi- fiée par les administrations Clinton et Bush comme une stratégie d’influence (shaping the world et Transaction strategy), renvoie au maintien du contrôle sur les institutions internationales et les grandes organisations non gouvernementales (capacité de nor- malisation et de blocage), au maintien de l’avance technologique en particulier techno- militaire avec l’objectif de la rupture (breakthrough, décrochage par rapport aux com- pétiteurs pairs) à l’horizon 2030-50. Elle renvoie également au contrôle géostratégique des périphéries qui sont des zones des ressources critiques pour l’économie globale.
des puissances régionales (Iran, Turquie), en termes économiques mais aussi politiques et culturels, la position des États-Unis ne demeurera centrale que s’ils parviennent à contrôler les points nodaux, les structures (institutionnelles, informationnelles), les infrastructures, les voies et les ressources critiques de la globalisa- tion, dont une partie centrale se situe dans la zone « Grand Moyen- Orient » (du Maghreb à l’Asie Centrale). La maîtrise des facteurs anti- accès implique une présence militaire flexible et quasi-permanente – des bases allégées, des relais logistiques interconnectés, les exercices pluri-annuels, la coopération par l’équipement et l’entraînement, les opérations constantes de lutte contre les menaces dites « irrégulières » (terrorisme, prolifération, criminalité)

 

Le scénario de l’anti-accès

La maîtrise des facteurs anti-accès (anti-access) est devenue un paradigme central dans la stratégie des États-Unis bénéficiant d’une suprématie techno-militaire et géopolitique indéniable mais qui peut être dégradée par des moyens asymétriques, ou par l’ostracisme politique régional. Ainsi le scénario qui sert de référence pour penser la transformation, est un scénario post-2020 selon lequel : des adversaires seraient capables d’établir des zones d’exclusion aérienne et navale de plus de 500 miles par le recours à des systèmes d’armes et des technologies commercialement disponibles, tels les armes de destruction massive, les missiles, les moyens furtifs, les munitions de précision et largables à distance de sécurité, ou des capacités avancées développées en niche par un compétiteur pair (technologies intelligentes, guerre cybernétique, armes laser, etc.). Un tel périmètre d’exclusion montre la nécessité de repenser la structure des bases à l’étranger, d’élargir les capacités ISR pour la maîtrise du facteur temps (préemption, neutralisation rapide des capacités adverses, désescalade) mais également de consolider les instruments de l’influence politique.
Les enjeux de la guerre et du « changement de régime »5 en Irak relèvent donc autant de l’évitement de l’émergence d’un régime hostile aux intérêts US que du renforcement de la présence régionale pour la maîtrise des facteurs anti-accès. Si le régime de Saddam Hussein avait été renversé par une révolution islamique irakienne soutenue par l’Iran, ou dans une guerre civile à la syrienne avec un risque d’éclatement ingérable, les États-Unis n’auraient pas pu construire le système d’influence qu’ils ont mis en place après 2003. Le régime de Bagdad est loin d’être à la solde des Américains, mais il existe un réel partenariat bilatéral, et les gains stratégiques objectifs de la guerre en Irak semblent peu réversibles dans le moyen terme.

Il s’agit – du désarmement d’un État considéré, avant même l’invasion du Koweït, comme la menace militair première dans la région (l’Iran étant alors considéré comme trop affaibli par la guerre Iran-Irak) ;– de la décentralisation (et l’affaiblissement) de l’État irakien par le fédéralisme « souple » (soft federalism), voire le régionalisme, en vue de pérenniser les moyens de pression sur le centre par l’option du « powersharing », proche du factionnalisme (opposé à l’union nationalitaire de type « muwatana », par delà les diffé- rences ethno-confessionnelles) ;– du contrôle initial de l’infrastructure administrative irakienne dans les secteurs clés par l’encadrement technocratique mais aussi la mise en place (et donc la possibilité de contrôle) de toute l’infostructure irakienne (structures technologiques de l’information et de la communication) ;– de l’implantation d’un système ISR – à l’ambassade à Bagdad, aux consulats, sur les 6 sites militaires de l’Office of Security Cooperation-Iraq (OSC-I, la mission militaire US autorisée sur le sol irakien après décembre 2011) en Irak ;– du renforcement des forces de déploiement rapide US dans le voi- sinage (Koweït, Qatar, Bahreïn, EAU, Golfe) avec possibilité d’intervention en Irak si le gouvernement irakien le demande ;5. Le « regim change » était l’objectif stratégique annoncé de la guerre en Irak, moins médiatisé que le but secondaire de lutte contre les armes de destruction massive. – des capacités de dissuader les États hostiles de la région à partir de l’Irak – présence militaire/renseignement, et influence par les liens directs avec les dirigeants irakiens, et indirects via les divers réseaux.L’enjeu énergétique demeure également surdéterminant, même si grâce aux nouvelles technologies d’exploration et d’extraction les États-Unis ont considérablement développé leur production de pétrole  brut  (de  50 %  entre  2005  et  fin  2013,  passant  de  5  à10 millions de barils par jour), au point où ils sont aujourd’hui les premiers producteurs de pétrole non-OPEP. A cela s’ajoute le boom de la production des hydrocarbures non conventionnels, essentiel- lement le gaz de schiste (la production de gaz naturel provenant du schiste de 7 800 millions de pied cube de gaz en 2011, doublera d’ici 2040)6. L’enjeu géopolitique du pétrole du Golfe arabo-per- sique reste (et restera) inscrit dans la stratégie américaine pour deux raisons essentielles : le pétrole de la région continue à déterminer le marché de l’énergie et donc l’équilibre de l’économie mondiale ; les alliés ainsi que les compétiteurs pairs, notamment la Chine, restent dépendant des approvisionnements de la région, et donc l’option de garant sécuritaire des flux et ressources demeure un atout straté- gique majeur pour les États-Unis.Avec une production actuelle de 3 millions de barils par jour (bpj) et de 4,5 millions bpj en 2015, l’Irak est le 10e plus grand pro- ducteur et pourrait mettre une partie de sa production en réserve. Or, c’est cette capacité supplémentaire qui conférerait à l’Irak un rôle stratégique sur le marché et en ferait un rival direct de l’Arabie saoudite dans sa capacité à combler tous déficits ou ruptures d’approvisionnement en pétrole. Dans le long terme, seule la per- spective du développement du pétrole irakien permet d’envisager une évolution stable du marché des hydrocarbures mondial et donc de l’économie mondiale : sans le pétrole irakien les prix risque- raient de flamber et de conduire à la récession. L’AIE estime que la production irakienne atteindra 6,1 millions bpj d’ici 2020 et 8,3 d’ici 2030, et l’Irak devra investir 530 mds $ dans le secteur d’ici2030 (le prix du baril sera d’environ 215$)7. L’intérêt premier des États-Unis vis-à-vis du pétrole irakien est la volonté d’assurer la stabilité du marché et de l’économie mondiale par l’accès aux réser- ves irakiennes – thématique récurrente depuis les années 1980, en ce sens les deux guerres du Golfe sont des guerres pour l’accès mais aussi des guerres pétrolières. Que ce soient des compagnies améri- caines, russes ou chinoises qui prennent en charge le développe- ment (et les risques) cela ne change pas vraiment la donne – dans les faits les compagnies US d’exploitation n’ont pas eu beaucoup de contrats, en revanche les compagnies de services, telles Schlumberger, Hughes et Halliburton, ont capté la majorité des contrats. Ce qui change la donne est l’influence politique, qui elle même s’acquiert par la capacité

d’action, de négociation et de sécu- risation

 

LES VOIES ET MOYENS DE LA STRATÉGIE DES ÉTATS-UNIS EN IRAK ET DANS LA RÉGION

La présence militaire  US dans la région du Golfe et en IrakLe Golfe arabo-persique, longtemps considéré comme un « lac américain » avait été désaffecté par l’US Navy au profit d’une pré- sence massive dans la zone Asie-Pacifique (Japon-Corée- Philippines). Or depuis le début des opérations en Irak et de la Global War on Terrorism (GWOT), le Golfe est plutôt surmilitarisé, avec la présence quasi-permanente de deux porte-avions US (soit30 navires, 22 000 marins), et une présence internationale dans le cadre de la Combined-Joint Task Force de contre-terrorisme CJTF15087. Iraq’s flood of ‘cheap oil’ could rock world markets, Washington Times, February 3, 2013,http://www.washingtontimes.com/news/2013/feb/3/iraqs-flood-of-cheap-oil- could-rock-world-markets-/?page=all8. Stationnée au Bahreïn (base navale US), la CTF 150 regroupe des forces aéro- navales de 25 États (15 navires en tout, commandement tournant) et vise à assurer la surveillance, le contrôle (notamment par la fouille des navires transitant dans le Golfe et près de la Corne de l’Afrique) Présence militaire des États-Unis dans le Golfe
Si la présence « over the horizon » en mer a toujours fait partie de la stratégie US dans la région, la présence dans les bases des pays de la région  s’est  considérablement renforcée  depuis  2003.  Les  États-Unis n’ont pas de traités de défense bilatéraux ou multilatéraux formels avec les États du Golfe, ils s’en réfèrent à une série d’accords exécutifs régulant l’accès militaire (accès aux facilités, droit de transit, etc.), le statut des forces US, le prépositionnement des équipements. Aujourd’hui près de40 000 soldats américains sont stationnés dans la zone. Le Bahreïn abrite le QG des forces navales du CENTCOM (USCOMNAVCENT, 6 090 soldats) et du matériel prépositionné, et accorde un droit d’accès prioritaire aux avions militaires US. Le Koweït abrite essentiellement des forces terrestres à Camp Doha (4500 hommes stationnés avant le départ des troupes US d’Irak en décembre 2011, aujourd’hui 15 000 soldats US prêts à intervenir en Irak en cas de besoin) et autorise l’accès à ses bases aériennes. L’Arabie Saoudite n’abrite plus de forces US depuis 2003. Le Qatar a accordé en 2001 le stationnement permanent de forces aériennes US sur la base Al-Udeid qui est également un site de prépositionnement comme l’est la base As Saliyah. Près de 7 900 soldats US stationnent au Qatar qui abrite une base avancée du CENTCOM et le Combined Air and Space Operations Center (CAOC) qui assure le contrôle aérien militaire, la défense aérienne et la guerre électronique pour les diverses opérations dans la région. Les Emirats Arabes Unis, qui autorisent l’accès aux ports émiratis, notamment la zone de stationnement des porte-avions dans le port de Jebel Ali, et sa base aérienne al-Dhafra, abritent 3 000 soldats US. Oman autorise le prépositionnement et l’accès à ses bases aériennes (Seeb, Thumrait, Masirah, al-Musananah).Les États du CCG, dans le cadre du projet américain d’intégration des systèmes de défense (antiaérien et antimissile) des forces du CCG, la Cooperative Defense Initiative, ont mis en service début 2001 un système de surveillance radar commun et de coordination des systèmes de défense aérienne, Belt of Cooperation, qui pourrait à terme être intégré au système US. Le Bahreïn et les Emirats Arabes Unis ont envoyé des troupes en Afghanistan, le Qatar et les Emirats Arabes Unis ont envoyé des avions de combat en Méditerranée lors de l’opération de l’OTAN en Libye. Entre2007 et 2010 les six États du CCG ont conclu des accords d’achats de 26,7 milliards $, représentant ainsi la première région importatrice d’armements US dans le cadre du programme Foreign Military Sales – en 2011 les États- Unis et l’Arabie Saoudite ont conclu un accord pour la vente d’avions de combat (84 F-15) pour un montant de 29,4 milliards de $ (le transfert d’armes le plus cher de toute l’histoire des États-Unis !)La coopération militaire et les transferts d’armements sont considérés comme des « leviers » qui garantissent l’accès, dans la mesure où ils créent une dépendance à l’assistance américaine dés- ormais indispensable au maintien des structures de défense du CCG. L’alliance stratégique entre les États-Unis et les États du CCG se fonde sur trois paramètres géopolitiques majeurs : 1) la nécessité pour les États du CCG de favoriser l’endiguement de la puissance de l’Iran – qui va connaître un nouvel essor dans la per- spective de l’ouverture politique du régime et la levée conséquente des sanctions internationales ; 2) la crainte de l’hégémonisme de l’Arabie saoudite par les autres États de la Péninsule, empêchant l’intégration politique et sécuritaire du CCG ; 3) la globalisation des économies du CCG qui requiert une protection sécuritaire et poli- tique accrue – projets énergétiques transrégionaux (Moyen-Orient/ Afrique/Europe et Asie centrale/Moyen-Orient/Europe), et création de hubs dans divers domaines (ports, pétrochimie, aéronautique, zones franches). Les régimes de la région font le pari de la transi- tion sociale par la modernisation économique, estimant que la diversification économique va entraîner le développement des opportunités d’emplois et d’entreprises pour leurs citoyens (natio- naux), en particulier les jeunes et les classes moyennes, et ainsi enrayer les mouvements de contestation. La garantie sécuritaire américaine demeure donc indépassable pour les États du CCG.Les dirigeants américains ont clairement indiqué que les 40 000 soldats US basés dans le Golfe pourraient servir comme forces de réaction rapide en cas de conflit majeur en Irak. Conformément à l’accord bilatéral de sécurité de 2008, les troupes US ont quitté le sol irakien fin décembre 2011. Cependant des soldats – dont le nombre demeure incertain tant que la question du statut juridique des forces US n’est pas réglée (accord SOFA)9 – sont restés comme formateurs et conseillers, et opérateurs des dispositifs ISR et des systèmes d’armes américains. La présence américaine post-retrait consiste en17 000 personnels, en grande partie des contractants privés dont5 500 employés de compagnies de sécurité privées, et seulement650 diplomates, quelques centaines de personnels administratifs9. « Status of Forces Agreement » qui établit les droits et privilèges (notamment immunité juridique) du personnel US présent sur un territoire étrangeret d’agences spécialisées comme l’agence d’aide au développement USAID. La mission militaire, l’Office of Security Cooperation-Iraq (OSC-I), comprendrait entre 150 et 260 militaires et plusieurs cen- taines de personnels civils du Pentagone, soutenus par des contrac- tants privés, (en tout 8900 personnes)10. L’Irak bénéficie d’une aide américaine au financement de l’acquisition d’armements US d’un montant de 11,9 milliards $ – dont 140 chars M1A Abrams, 18 avions de combat F-16 (sur les 36 prévus), et 6 avions cargos C130J11. La poursuite de la présence militaire US en Irak est justi- fiée par Washington par les déficiences des forces de sécurité ira- kiennes. En effet, les moyens ISR et de C2 (commandement et contrôle) irakiens sont très limités, l’armée de l’air irakienne n’étant capable que depuis peu d’effectuer des sorties et d’opérer des com- munications en temps réel avec des stations au sol mobiles. Selon le chef d’état-major interarmées irakien, le général Boubaker Shawkat Zebari, les forces de sécurité irakiennes ne pourront fonc- tionner de façon autonome qu’à partir de 202012.Malgré le regain des attentats terroristes de ces derniers mois, le niveau de violence de 2013 en Irak demeure moins élevé que celui des années de guerre civile ouverte (2006-2008). Mais la crise syrienne a sérieusement détérioré le climat sécuritaire en Irak, avec le renforcement de la branche djihadiste la plus active proche d’Al Qaïda. Au risque d’insurrection djihadiste, s’ajoutent les tensions entre les acteurs Kurdes et Arabes à Ninive et à Kirkouk, ainsi que l’affrontement, plus ou moins contenu, entre les Peshmergas et les troupes gouvernementales dans les zones disputées entre la région autonome du Kurdistan et Bagdad. Le nombre de morts dans les attentats et combats s’élève à 5300 de janvier 2013 à fin octobre2013. La faiblesse des forces de sécurité irakiennes, sous-équipées10. Les personnels de l’OSC-I ont pour tâches centrales : 1) la modernisation de3 divisions de l’armée irakienne d’ici fin décembre 2014 ; 2) l’entraînement, les exer- cices communs et le conseil auprès du ministère de la Défense irakien et des structures de commandement des forces irakiennes ; 3) superviser les personnels des compagnies privées chargés de former les Irakiens pour l’utilisation des systèmes d’armes US. SIGIR Quarterly Report and Semiannual Report to the United States Congress, July 30,2012, p. 52, www.sigir.mil/publications/quarterlyreports/index.html11. Idem.12. « Iraq takes delivery of final batch of of US Tanks », Defense News, August29, 2012,  http://mobile.defensenews.com/article/308290006mais également infiltrées par les milices des factions dominantes et des services étrangers, est le résultat de la stratégie américaine qui n’a pas eu pour objectif la reconstruction d’un pouvoir central fort doté d’un appareil sécuritaire consolidé. L’objectif premier des États-Unis était d’influencer la situation politique pour favoriser l’option du fédéralisme souple et ainsi maintenir une influence dans le pays et dans la région. Il ne s’agissait pas d’une stratégie indi- recte de soutien à un régime dans sa lutte contre l’insurrection, mais d’un engagement direct contre l’insurrection, et par là de « cons- truction » et d’influence du terrain politique irakien – stratégie qua- lifiée de « bottom-up » (à partir du terrain) ou de « COIN-plus » (la contre-insurrection  avec  plus  d‘engagement  sociopolitique).  En fait, les gains tactiques militaires opérés par la Coalition, et les rap- ports avec les acteurs décentralisés (tribus, autorités locales, divers groupements sociaux) qu’ils impliquaient, ont créé de facto un schéma décentralisé sur le terrain13. Le « succès » de la stratégie américaine en Irak, par rapport à ses objectifs, ne se mesure donc pas en termes de « pacification », même si la campagne intensive de contre-insurrection de 2006-2008 (nommée « surge ») a large- ment contribué à enrayer la guerre civile. Son « succès » se mesure par l’ampleur du changement politique opéré, qui est allé bien au- delà du « changement de régime », faisant table rase de toutes les structures étatiques13. La stratégie « bottom-up » a consisté à éliminer les mouvements d’insurgés de façon durable et à établir à partir du terrain les conditions d’équilibrage entre les forces locales et le gouvernement central. Le plan de campagne, établi en mai 2007 par le général Petraeus et l’ambassadeur Crocker et une équipe d’experts, la Joint Strategic Assessment Team, menée par le spécialiste de la contre-insurrection David J. Kilcullen, envisageait trois politiques à mettre en œuvre simultanément (plutôt que trois phases successives) : la protection de la population dans les zones violentes ; l’aide à consoli- dation des institutions notamment en créant des liens entre les gouvernements locaux et provinciaux et le gouvernement central (rôle des Provincial Reconstruction Team, PRT) ; et l’épuration des officiels et officiers corrompus et sectairesL’option du « power sharing » ethno-confessionnel en IrakLe « changement de régime » opéré par les États-Unis en Irak à partir de 2003 a en effet pris des formes radicales. La Coalition Provisional Authority (CPA), l’autorité chargée de gérer la transi- tion au début de l’occupation (avril 2003-juin 2004), a ordonné par décrets le démantèlement de toutes les institutions étatiques ira- kiennes et a encadré la reconstitution d’un appareil d’État selon un impératif : ne pas reconstruire un État centralisé fort. Les options présentées aux Irakiens parties prenantes de la reconstruction (les représentants de l’opposition à Saddam Hussein) reposaient dès lors sur la notion d’un fédéralisme proche du confédéralisme et sur la limite des capacités militaires (structures de forces calibrées pour la contre-insurrection mais pas pour les conflits majeurs). La CPA a également favorisé le système de la représentation politique sur la base  ethno-confessionnelle,  notamment  en  désignant,  en juillet2003, un conseil consultatif irakien non-souverain (Iraq Governing Council, IGC) composés de 25 membres sélectionnés non pas selon leur représentativité politique, ou leur capacité technocratique, mais selon un partage ethnique et confessionnel. Sous pression de nom- breux représentants politiques et du Grand Ayatollah Sistani, les États-Unis ont accepté un retour à la souveraineté irakienne le30 juin 2004 (une souveraineté sous contrôle, avec des ministères encadrés par le personnel US et des forces de sécurité limitées dans leur capacité), et la tenue d’élections nationales à la fin 2005. Contrairement aux constitutions précédentes (celles de 1925 ou de1990, par exemple), la nouvelle constitution établie en 2005, par un groupe d’experts américains et irakiens, fait mention à plusieurs reprises de la segmentation de l’Irak en nationalités, ethnies, sectes et religions (cf art.3 « Iraq is a country of many nationalities, reli- gions and sects »). Le discours officiel américain, largement relayé par les think tanks et les médias, a imposé dès le départ une lecture ethno-confessionnelle des conflits internes irakiens et une approche de gestion des crises fondée sur le partage du pouvoir (power sha- ring) entre les groupes ethno-confessionnels majeurs (arabes chii- tes, arabes sunnites, kurdes), avec la garantie de la préservation des droits des minoritésOr, si les segmentations sociales sur des bases tribales et ethno- confessionnelles existent en Irak, elles n’ont pas constitué le facteur déterminant dans la construction de l’État-nation en Irak depuis l’indépendance (après le départ des Britanniques en 1932). En dehors du facteur irrédentiste kurde, la vie sociale et politique dans l’Irak contemporain (et parmi les exilés) a été marquée par différents courants intellectuels et mouvements politiques à visée non commu- nautariste, certains laïcs (baassisme, marxisme, nationalisme, panara- bisme), d’autres islamistes et donc naturellement inscrits dans une tradition confessionnelle. En ce sens si les factions majeures ont lar- gement tablé sur un discours, sur des programmes et des réseaux à forte teneur ethno-confessionnelle durant les premières années de l’après Saddam Hussein, depuis les élections de 2010 elles tendent à développer des stratégies d’alliance transcommunautaires et un discours de rassemblement national.L’établissement de la nouvelle constitution irakienne, en 2004-2005, aurait dû/pu être un moment fondateur. À la lumière des expé- riences de « nation-building » des États en crise de l’après-guerre froide (Europe de l’Est, Balkans), la constitution apparaît comme une étape initiale symbolique pour la reconstruction sociale, la redy- namisation du « vivre ensemble », le cheminement vers la démocra- tie. Or, dans la plupart des cas l’établissement d’une constitution intervient dans la phase de post-conflit. Dans le cas irakien elle a été conçue en plein conflit et a donc été le résultat de négociations et de compromis politiques difficilement atteints entre les factions. En conséquence, le sens de certains articles demeure opaque, il subsiste des contradictions entre des articles, et les orientations majeures qui ont fait le consensus dans la forme, à savoir l’Islam comme source d’inspiration du droit, la préservation des droits de l’homme et le fédéralisme, demeurent vagues quant à leur mise en pratique.En somme, le « changement de régime » opéré par les États-Unis a été plus loin que la mise en place d’un nouvel appareil d’État, il a contribué à redéfinir l’État même en Irak mais en laissant intactes, voire en exacerbant, les contradictions sociohistoriques. La transi- tion en elle même, celle qui implique en premier lieu la réconcilia- tion et la sortie de crise politique, sécuritaire et humanitaire grave14,
14. Rappelons les faits établis par l’ONU : près de 7 millions d’Irakiens (23 % de la population) vivent dans la pauvreté (dépensent moins de 2,2 $ par personne et par jour) ;et peut mener vers un modèle de gouvernance nationale démocra- tique, doit être pensée et proposée à terme par les Irakiens eux- mêmes, en particulier par les diverses élites (politiques, intellectuelles, religieuses, associatives)

?Des moyens politico-normatifs pour une stratégie de gestion des transition

La stratégie de « changement de régime » en Irak doit être envi- sagée dans le cadre plus global de la stratégie américaine d’influence  et  de  normalisation  (shaping)  du  « Grand  Moyen Orient ». Cette stratégie, de type préemptif, vise à implanter dans la région des systèmes et des dispositifs de contrôle, normatifs, éco- nomiques, « société civile » (ONG, relais privés locaux), en paral- lèle aux dispositifs militaires, qui dans l’avenir pourront sécuriser une position de puissance des acteurs américains. Le volet politico- normatif de cette stratégie, qui a été globalisé par sa cooptation par le G8 (Broader Middle East and North Africa Initiative, 2004), vise à favoriser la libéralisation et la rationalisation (par le développe- ment humain et infrastructurel) des économies et l’élargissement de la participation politique et citoyenne. L’Initiative de partenariat avec le Moyen-Orient (Middle East Partnership Initiative, MEPI) lancée en décembre 2002 et réactualisé en 2004 (sous le terme Greater Middle East Initiative, GMEI), est un programme d’aide à la démocratisation et à la libéralisation économique, essentiellement par l’aide directe aux acteurs de la société civile. En parallèle les États- Unis visent à établir une zone de libre échange dans la région, à tra- vers la Middle East Free Trade Area (MEFTA) Initiative lancée en mai2003, avec une promesse d’aide à l’accession à l’OMC, des accords commerciaux préférentiels, des investissements et des transferts de technologie15. Les mesures d’accompagnement à la libéralisationprès de 1,5 million d’Irakiens sont réfugiés à l’étranger, 1 million sont déplacés à l’intérieur ; 30 % des Irakiens n’ont pas accès à l’eau potable, et 16 % des Irakiens sont en insécurité alimentaire. Voir le site de l’ONU en Irak : http://www.japuiraq.org/reports.asp et du HCR   http://data.unhcr.org/syrianrefugees/ regional.phpSelon les différentes estimations le conflit (2003-2011) aurait fait entre 150 000 et1 million de victimes civiles.15. Pour des informations sur MEPI, MEFTA, et G8 Broader Middle East andNorth Africa Initiative voir http://www.state.gov/ – À ce jour cinq États de cette régiondes économies visent à faciliter l’ajustement structurel par des réformes macro-économiques mais également la promotion des acteurs de la société civile – participation citoyenne ; réforme des systèmes éducatifs ; l’émancipation de la femmeCes initiatives qui ont été lancées par les États-Unis après les attentats du 11 septembre 2001 et après le déclenchement des guerres en Afghanistan et en Irak, sont donc à considérer comme le pendant« soft power » d’une stratégie d’engagement armé contre le terro- risme et contre tous les facteurs « anti-accès ». Après son discours au Caire en juin 2009, où il lançait un appel à la réforme démocratique dans le monde arabe, le président Barak Obama avait demandé au Congrès d’augmenter l’aide à la démocratisation. Le financement était passé de 800 millions $ à 1,5 milliard $. Or, 86 % de cette aide étaient alloués à l’Irak, l’Afghanistan et le Pakistan. Cet « effet d’annonce » est assez représentatif de la politique américaine entre2002 et 2011 : les faibles moyens, financiers, diplomatiques et média- tiques, engagés pour faire pression sur les régimes n’ont pu qu’inciter à faire des réformes superficielles. Ces réformes superficielles n’ont fait qu’exaspérer les courants contestataires au sein des popula- tions, et n’ont pas permis l’expression et l’institutionnalisation des mouvements d’opposition. Les réformes superficielles, les faibles ouvertures politiques opérées, alliées à des tentatives de libéralisa- tion économique (privatisations, ouverture au capital étranger), ont pu mener à l’écroulement partiel des régimes en Tunisie et en Egypte (les militaires sont toujours au pouvoir) et au démantèlement du régime en Libye (mais pas sa démocratisation). Cependant dans le Golfe elles ont plutôt contribué à inciter les régimes autoritaires à ren- forcer leur emprise, et à exercer un interventionnisme militaire direct et indirect (Bahreïn, Yémen, Libye, Syrie, et soutien au djihadisme régional).sont formellement intégrés dans des accords de libre échange avec les États-Unis : Israël (UDS-Israel Free Trade Area, 1985, amendé en 1996 pour inclure la Cis- Jordanie et Gaza) ; la Jordanie (US-Jordan FTA, 2001) ; le Maroc (US-Morocco FTA2004) ; et le Bahreïn (US-Bahrein FTA, 2005) ; Oman (US-Oman FTA, 2006). Ces accords concernent : des mesures de baisse des barrières tarifaires et non-tarifaires (échelonnées sur 10 ans) ; la protection des droits à la propriété intellectuelle ; le com- merce électronique, les secteurs industriels, agricoles et banquiers ; les normes sani- taires et sociales et de protection de l'environnementLa chute d’un régime allié comporte des risques stratégiques cer- tains pour les États-Unis, d’où une politique d’incitation à l’ouverture politique prudente qui compose avec un paradoxe : un régime auto- cratique qui opère quelques réformes ne devient pas un régime démo- cratique mais un régime semi-autocratique fragilisé face aux mena- ces sécuritaires internes et externes. Par ailleurs, les mouvements d’opposition qui accèdent à la décision politique après une chute partielle d’un régime autocratique, ne sont pas forcément favorables au maintien d’une relation stratégique forte avec les États-Unis. La solution établie pour atténuer les effets pervers de ce paradoxe des« semi-autocraties » affaiblies par les réformes et laissant la place à des forces hostiles aux intérêts US, est celle du « power sharing ». L’option du partage du pouvoir entre plusieurs forces politiques, aux niveaux national et local, est considérée par le département d’État comme une voie de sortie des crises de légitimation des régimes auto- cratiques, un moyen d’apaiser le mécontentement populaire face aux crises socio-économiques, et une étape vers la démocratisation. Cette option est également considérée comme une possibilité de mettre un terme au format de l’État centralisé fort au profit des formules fédé- rales souples. Plus prosaïquement, elle offre aux acteurs américains (publics, privés, services de renseignement) la possibilité d’établir des réseaux d’influence au sein des structures sociales qui acquièrent avec le « power sharing » un poids dans la décision politique, notam- ment les tribus, les minorités, les autorités locales, les acteurs émer- gents de la société civile. En ce sens il est évident que l’Irak a servi de terrain d’expérimentationL’Irak représente un cas, certes extrême, de la stratégie américaine de gestion de la transition sociopolitique des États de la région. Cette stratégie repose sur un fragile équilibre entre des actions favorisant la fin des États forts centralisés et le soutien à des options sociales englobantes. Les États-Unis disposent de solides moyens pour inciter les régimes en place à opérer une transition, comme le montre la décision du président Obama de couper l’aide militaire à l’Egypte après le coup d’état militaire de juillet 2013, ou la décision de rapprochement avec l’Iran au détriment des relations avec les monarchies du Golfe déclinantes. Mais ils devront opter pour des stratégies moins unilatéralistes, qui prennent en compte les acteurs régionaux et globaux dans leur capacité à contribuer auxrèglements des crises et conflits. Certains de c

L’objectif du maintien d’une position d’influence et de puissance  dans  la  région  du  Golfe  arabo persique
implique des constantes historiques dans la stratégie américaine. En effet, que ce soit dans un contexte
 d’endiguement de l’autre superpuissance du temps de la guerre froide, ou dans le contexte actuel de la préemption de la montée en puissance des acteurs émergents ou du retour des Russes, les États-Unis ont toujours cherché à limiter les facteurs « anti-accès » (selon la terminologie utilisée aujourd’hui au Pentagone). Le rôle matriciel de la lutte contre ce qui pourrait limiter, voire interdire, l’accès des acteurs américains dans la région, détermine le déploiement des voies et moyens : les opérations et la présence militaires, le positionnement des moyens ISR (Intelligence, Surveillance, Reconnaissance) ; les stratégies d’ingénierie sociale et politique, sur le terrain et indirectes ; ou encore les projets de réformes dans l’espace « Grand Moyen-Orient ». L’Irak est le cas le plus abouti de la stratégie régionale des États- Unis et permet de comprendre comment se déclinent les modes de cette stratégie
L’enjeu géostratégique des États-Unis dans la région :l’accèsLa donnée constante de la stratégie américaine vis-à-vis de l’Irak et de la région est donc l’accès : à la première région exportatriceet réserve mondiale en hydrocarbures ; à des voies de transit mari- time stratégiques pour le commerce mondial ; à la triple périphérie (de la Russie, de la Chine, de l’Europe) et zone d’interconnexion Europe-Asie ; à une région fortement importatrice d’armes ; à des marchés émergents. Le système stratégique, mis en place par les États-Unis à partir du début des années 1980 (dans le contexte de la révolution islamique en Iran et de l’invasion soviétique en Afghanistan), demeure invariable : une alliance formalisée avec Israël et avec l’Egypte par le statut d’allié majeur non-OTAN obtenu en 1989, et des aides en matière de défense importantes (aides annuelles respectivement d’environ 3 et 2 milliards $ et une coopé- ration technologique avancée avec Israël) ; le développement de la coopération militaire et des alliances plus ou moins formalisées avec l’Arabie Saoudite, la Jordanie (alliée majeur non-OTAN1  depuis1996), le Pakistan (allié majeur non-OTAN depuis 2004) et les pays du Conseil de Coopération du Golfe (Bahreïn et Koweït alliés majeurs non-OTAN depuis 2002 et 2004). La politique actuelle a des origines qui remontent à la guerre froide, mais qui à l’époque déjà ne visait pas uniquement l’endiguement de l’Union soviétique et de ses alliés mais également une puissance régionale non-alignée, l’Iran. Cette politique avait été énoncée en janvier 1980 par le pré- sident Jimmy Carter (la « doctrine Carter ») :
« Trois facteurs majeurs constituent nos défis : la croissance soutenue de la projection de puissance militaire de l’Union soviétique au-delà de ses pro- pres frontières ; la dépendance écrasante des démocraties occidentales aux approvisionnements en pétrole du Moyen-Orient ; et les mouvements sociaux, religieux et économiques qui ont mené au changement politique dans de nom- breux pays en voie de développement, telle la révolution en Iran. Chacun de ces facteurs est important et interagit avec les autres. (...) Que notre position soit absolument claire : une tentative par une force extérieure pour prendre le contrôle de la région du golfe Persique sera considérée comme une attaque contre les intérêts vitaux des États-Unis d’Amérique, et une telle attaque sera repoussée par tous les moyens nécessaires, y compris la force militaire. »2.
1. Le statut d’allié majeur non-OTAN donne un accès préférentiel aux exportations d'armes américaines et à la coopération de défense bilatérale (donc de surplus US, pro- grammes de R&D communs, entraînements communs, transferts de technologie). Hormis les États cités ici, les alliés majeurs non-OTAN sont : l’Australie, le Japon et la Corée (depuis 1989) ; la Nouvelle Zélande (en 1997) ; l’Argentine (en 1998) ; la Thaïlande et les Philippines (en 2003), le Maroc (en 2004) ; l’Afghanistan (en juillet 2012).. Jimmy Carter, Discours sur l’État de l’Union, 23 Janvier 1980 Cette nouvelle stratégie a consisté à créer une zone périmètre, dite Asie du Sud-Ouest, allant de l’Egypte au Pakistan et couverte logistiquement – par des bases, le prépostionnement de systèmes d’armes, des systèmes de télécommunications et ISR – par un nou- veau commandement unifié interarmes le CENTCOM (Central Command) à partir de janvier 1983. La zone du CENTCOM com- prend les pays riverains du Golfe et de la Péninsule Arabe, le Pakistan, l’Afghanistan, l’Egypte, la Jordanie, le Soudan, l’Ethiopie, Djibouti, la Somalie, et le Kenya (ces pays africains seront intégrés dans la zone de l’AFRICOM en 2007), en 1998 les pays d’Asie cen- trale sont inclus, et la Syrie et le Liban sont inclus en 2004. Après l’invasion du Koweït par l’Irak en 1990 les États du Golfe ont recher- ché la protection des États-Unis leur accordant une présence sur leur territoire3. Après les attentats du 11 septembre 2001, les États du Golfe ont vu dans la « guerre globale contre le terrorisme » une opportunité de légitimer pour des raisons sécuritaires leurs politiques répressives tout en resserrant les liens stratégiques avec Washington.L’interventionnisme préemptif des États-Unis dans la région dans la période post-guerre froide vise la sécurisation de l’accès afin de s’assurer des marges de manœuvre dans un contexte global marqué par le glissement du centre de gravité stratégique global vers l’Asie et l’émergence du multipolarisme4. Face à la montée en puis- sance des États-continents comme pôles influents de l’ordre global (Chine, Russie, Inde), et également de l’émergence (réémergence)
3. Les États-Unis ont signé des accords de coopération de défense avec le Bahreïn en 1991 (la 5e Flotte qui a été réactivée en 1995 est basée depuis lors au Bahreïn), le Qatar en 1992 (le QG du US Central Command s’y est installé en 2002), et les Émi- rats arabes unis en 1994. En outre, les six États du Conseil de Coopération du Golfe (CCG : Arabie, Qatar, Koweït, EAU, Oman, Bahreïn) ont négocié ou renégocié des accords d'accès pour les forces américaines.4. Le terme “préemption” n’a aucune acception juridique dans le vocable straté- gique US. Il renvoie plutôt à un dépassement de la stratégie de dissuasion pour une posture plus anticipatrice. La stratégie de préemption qui a été successivement codi- fiée par les administrations Clinton et Bush comme une stratégie d’influence (shaping the world et Transaction strategy), renvoie au maintien du contrôle sur les institutions internationales et les grandes organisations non gouvernementales (capacité de nor- malisation et de blocage), au maintien de l’avance technologique en particulier techno- militaire avec l’objectif de la rupture (breakthrough, décrochage par rapport aux com- pétiteurs pairs) à l’horizon 2030-50. Elle renvoie également au contrôle géostratégique des périphéries qui sont des zones des ressources critiques pour l’économie globale.
des puissances régionales (Iran, Turquie), en termes économiques mais aussi politiques et culturels, la position des États-Unis ne demeurera centrale que s’ils parviennent à contrôler les points nodaux, les structures (institutionnelles, informationnelles), les infrastructures, les voies et les ressources critiques de la globalisa- tion, dont une partie centrale se situe dans la zone « Grand Moyen- Orient » (du Maghreb à l’Asie Centrale). La maîtrise des facteurs anti- accès implique une présence militaire flexible et quasi-permanente – des bases allégées, des relais logistiques interconnectés, les exercices pluri-annuels, la coopération par l’équipement et l’entraînement, les opérations constantes de lutte contre les menaces dites « irrégulières » (terrorisme, prolifération, criminalité)

Le scénario de l’anti-accès

La maîtrise des facteurs anti-accès (anti-access) est devenue un paradigme central dans la stratégie des États-Unis bénéficiant d’une suprématie techno-militaire et géopolitique indéniable mais qui peut être dégradée par des moyens asymétriques, ou par l’ostracisme politique régional. Ainsi le scénario qui sert de référence pour penser la transformation, est un scénario post-2020 selon lequel : des adversaires seraient capables d’établir des zones d’exclusion aérienne et navale de plus de 500 miles par le recours à des systèmes d’armes et des technologies commercialement disponibles, tels les armes de destruction massive, les missiles, les moyens furtifs, les munitions de précision et largables à distance de sécurité, ou des capacités avancées développées en niche par un compétiteur pair (technologies intelligentes, guerre cybernétique, armes laser, etc.). Un tel périmètre d’exclusion montre la nécessité de repenser la structure des bases à l’étranger, d’élargir les capacités ISR pour la maîtrise du facteur temps (préemption, neutralisation rapide des capacités adverses, désescalade) mais également de consolider les instruments de l’influence politique.
Les enjeux de la guerre et du « changement de régime »5 en Irak relèvent donc autant de l’évitement de l’émergence d’un régime hostile aux intérêts US que du renforcement de la présence régionale pour la maîtrise des facteurs anti-accès. Si le régime de Saddam Hussein avait été renversé par une révolution islamique irakienne soutenue par l’Iran, ou dans une guerre civile à la syrienne avec un risque d’éclatement ingérable, les États-Unis n’auraient pas pu construire le système d’influence qu’ils ont mis en place après 2003. Le régime de Bagdad est loin d’être à la solde des Américains, mais il existe un réel partenariat bilatéral, et les gains stratégiques objectifs de la guerre en Irak semblent peu réversibles dans le moyen terme.

Il s’agit – du désarmement d’un État considéré, avant même l’invasion du Koweït, comme la menace militair première dans la région (l’Iran étant alors considéré comme trop affaibli par la guerre Iran-Irak) ;– de la décentralisation (et l’affaiblissement) de l’État irakien par le fédéralisme « souple » (soft federalism), voire le régionalisme, en vue de pérenniser les moyens de pression sur le centre par l’option du « powersharing », proche du factionnalisme (opposé à l’union nationalitaire de type « muwatana », par delà les diffé- rences ethno-confessionnelles) ;– du contrôle initial de l’infrastructure administrative irakienne dans les secteurs clés par l’encadrement technocratique mais aussi la mise en place (et donc la possibilité de contrôle) de toute l’infostructure irakienne (structures technologiques de l’information et de la communication) ;– de l’implantation d’un système ISR – à l’ambassade à Bagdad, aux consulats, sur les 6 sites militaires de l’Office of Security Cooperation-Iraq (OSC-I, la mission militaire US autorisée sur le sol irakien après décembre 2011) en Irak ;– du renforcement des forces de déploiement rapide US dans le voi- sinage (Koweït, Qatar, Bahreïn, EAU, Golfe) avec possibilité d’intervention en Irak si le gouvernement irakien le demande ;5. Le « regim change » était l’objectif stratégique annoncé de la guerre en Irak, moins médiatisé que le but secondaire de lutte contre les armes de destruction massive. – des capacités de dissuader les États hostiles de la région à partir de l’Irak – présence militaire/renseignement, et influence par les liens directs avec les dirigeants irakiens, et indirects via les divers réseaux.L’enjeu énergétique demeure également surdéterminant, même si grâce aux nouvelles technologies d’exploration et d’extraction les États-Unis ont considérablement développé leur production de pétrole  brut  (de  50 %  entre  2005  et  fin  2013,  passant  de  5  à10 millions de barils par jour), au point où ils sont aujourd’hui les premiers producteurs de pétrole non-OPEP. A cela s’ajoute le boom de la production des hydrocarbures non conventionnels, essentiel- lement le gaz de schiste (la production de gaz naturel provenant du schiste de 7 800 millions de pied cube de gaz en 2011, doublera d’ici 2040)6. L’enjeu géopolitique du pétrole du Golfe arabo-per- sique reste (et restera) inscrit dans la stratégie américaine pour deux raisons essentielles : le pétrole de la région continue à déterminer le marché de l’énergie et donc l’équilibre de l’économie mondiale ; les alliés ainsi que les compétiteurs pairs, notamment la Chine, restent dépendant des approvisionnements de la région, et donc l’option de garant sécuritaire des flux et ressources demeure un atout straté- gique majeur pour les États-Unis.Avec une production actuelle de 3 millions de barils par jour (bpj) et de 4,5 millions bpj en 2015, l’Irak est le 10e plus grand pro- ducteur et pourrait mettre une partie de sa production en réserve. Or, c’est cette capacité supplémentaire qui conférerait à l’Irak un rôle stratégique sur le marché et en ferait un rival direct de l’Arabie saoudite dans sa capacité à combler tous déficits ou ruptures d’approvisionnement en pétrole. Dans le long terme, seule la per- spective du développement du pétrole irakien permet d’envisager une évolution stable du marché des hydrocarbures mondial et donc de l’économie mondiale : sans le pétrole irakien les prix risque- raient de flamber et de conduire à la récession. L’AIE estime que la production irakienne atteindra 6,1 millions bpj d’ici 2020 et 8,3 d’ici 2030, et l’Irak devra investir 530 mds $ dans le secteur d’ici2030 (le prix du baril sera d’environ 215$)7. L’intérêt premier des États-Unis vis-à-vis du pétrole irakien est la volonté d’assurer la stabilité du marché et de l’économie mondiale par l’accès aux réser- ves irakiennes – thématique récurrente depuis les années 1980, en ce sens les deux guerres du Golfe sont des guerres pour l’accès mais aussi des guerres pétrolières. Que ce soient des compagnies améri- caines, russes ou chinoises qui prennent en charge le développe- ment (et les risques) cela ne change pas vraiment la donne – dans les faits les compagnies US d’exploitation n’ont pas eu beaucoup de contrats, en revanche les compagnies de services, telles Schlumberger, Hughes et Halliburton, ont capté la majorité des contrats. Ce qui change la donne est l’influence politique, qui elle même s’acquiert par la capacité

d’action, de négociation et de sécu- risation

 

LES VOIES ET MOYENS DE LA STRATÉGIE DES ÉTATS-UNIS EN IRAK ET DANS LA RÉGION

La présence militaire  US dans la région du Golfe et en IrakLe Golfe arabo-persique, longtemps considéré comme un « lac américain » avait été désaffecté par l’US Navy au profit d’une pré- sence massive dans la zone Asie-Pacifique (Japon-Corée- Philippines). Or depuis le début des opérations en Irak et de la Global War on Terrorism (GWOT), le Golfe est plutôt surmilitarisé, avec la présence quasi-permanente de deux porte-avions US (soit30 navires, 22 000 marins), et une présence internationale dans le cadre de la Combined-Joint Task Force de contre-terrorisme CJTF15087. Iraq’s flood of ‘cheap oil’ could rock world markets, Washington Times, February 3, 2013,http://www.washingtontimes.com/news/2013/feb/3/iraqs-flood-of-cheap-oil- could-rock-world-markets-/?page=all8. Stationnée au Bahreïn (base navale US), la CTF 150 regroupe des forces aéro- navales de 25 États (15 navires en tout, commandement tournant) et vise à assurer la surveillance, le contrôle (notamment par la fouille des navires transitant dans le Golfe et près de la Corne de l’Afrique) Présence militaire des États-Unis dans le Golfe
Si la présence « over the horizon » en mer a toujours fait partie de la stratégie US dans la région, la présence dans les bases des pays de la région  s’est  considérablement renforcée  depuis  2003.  Les  États-Unis n’ont pas de traités de défense bilatéraux ou multilatéraux formels avec les États du Golfe, ils s’en réfèrent à une série d’accords exécutifs régulant l’accès militaire (accès aux facilités, droit de transit, etc.), le statut des forces US, le prépositionnement des équipements. Aujourd’hui près de40 000 soldats américains sont stationnés dans la zone. Le Bahreïn abrite le QG des forces navales du CENTCOM (USCOMNAVCENT, 6 090 soldats) et du matériel prépositionné, et accorde un droit d’accès prioritaire aux avions militaires US. Le Koweït abrite essentiellement des forces terrestres à Camp Doha (4500 hommes stationnés avant le départ des troupes US d’Irak en décembre 2011, aujourd’hui 15 000 soldats US prêts à intervenir en Irak en cas de besoin) et autorise l’accès à ses bases aériennes. L’Arabie Saoudite n’abrite plus de forces US depuis 2003. Le Qatar a accordé en 2001 le stationnement permanent de forces aériennes US sur la base Al-Udeid qui est également un site de prépositionnement comme l’est la base As Saliyah. Près de 7 900 soldats US stationnent au Qatar qui abrite une base avancée du CENTCOM et le Combined Air and Space Operations Center (CAOC) qui assure le contrôle aérien militaire, la défense aérienne et la guerre électronique pour les diverses opérations dans la région. Les Emirats Arabes Unis, qui autorisent l’accès aux ports émiratis, notamment la zone de stationnement des porte-avions dans le port de Jebel Ali, et sa base aérienne al-Dhafra, abritent 3 000 soldats US. Oman autorise le prépositionnement et l’accès à ses bases aériennes (Seeb, Thumrait, Masirah, al-Musananah).Les États du CCG, dans le cadre du projet américain d’intégration des systèmes de défense (antiaérien et antimissile) des forces du CCG, la Cooperative Defense Initiative, ont mis en service début 2001 un système de surveillance radar commun et de coordination des systèmes de défense aérienne, Belt of Cooperation, qui pourrait à terme être intégré au système US. Le Bahreïn et les Emirats Arabes Unis ont envoyé des troupes en Afghanistan, le Qatar et les Emirats Arabes Unis ont envoyé des avions de combat en Méditerranée lors de l’opération de l’OTAN en Libye. Entre2007 et 2010 les six États du CCG ont conclu des accords d’achats de 26,7 milliards $, représentant ainsi la première région importatrice d’armements US dans le cadre du programme Foreign Military Sales – en 2011 les États- Unis et l’Arabie Saoudite ont conclu un accord pour la vente d’avions de combat (84 F-15) pour un montant de 29,4 milliards de $ (le transfert d’armes le plus cher de toute l’histoire des États-Unis !)La coopération militaire et les transferts d’armements sont considérés comme des « leviers » qui garantissent l’accès, dans la mesure où ils créent une dépendance à l’assistance américaine dés- ormais indispensable au maintien des structures de défense du CCG. L’alliance stratégique entre les États-Unis et les États du CCG se fonde sur trois paramètres géopolitiques majeurs : 1) la nécessité pour les États du CCG de favoriser l’endiguement de la puissance de l’Iran – qui va connaître un nouvel essor dans la per- spective de l’ouverture politique du régime et la levée conséquente des sanctions internationales ; 2) la crainte de l’hégémonisme de l’Arabie saoudite par les autres États de la Péninsule, empêchant l’intégration politique et sécuritaire du CCG ; 3) la globalisation des économies du CCG qui requiert une protection sécuritaire et poli- tique accrue – projets énergétiques transrégionaux (Moyen-Orient/ Afrique/Europe et Asie centrale/Moyen-Orient/Europe), et création de hubs dans divers domaines (ports, pétrochimie, aéronautique, zones franches). Les régimes de la région font le pari de la transi- tion sociale par la modernisation économique, estimant que la diversification économique va entraîner le développement des opportunités d’emplois et d’entreprises pour leurs citoyens (natio- naux), en particulier les jeunes et les classes moyennes, et ainsi enrayer les mouvements de contestation. La garantie sécuritaire américaine demeure donc indépassable pour les États du CCG.Les dirigeants américains ont clairement indiqué que les 40 000 soldats US basés dans le Golfe pourraient servir comme forces de réaction rapide en cas de conflit majeur en Irak. Conformément à l’accord bilatéral de sécurité de 2008, les troupes US ont quitté le sol irakien fin décembre 2011. Cependant des soldats – dont le nombre demeure incertain tant que la question du statut juridique des forces US n’est pas réglée (accord SOFA)9 – sont restés comme formateurs et conseillers, et opérateurs des dispositifs ISR et des systèmes d’armes américains. La présence américaine post-retrait consiste en17 000 personnels, en grande partie des contractants privés dont5 500 employés de compagnies de sécurité privées, et seulement650 diplomates, quelques centaines de personnels administratifs9. « Status of Forces Agreement » qui établit les droits et privilèges (notamment immunité juridique) du personnel US présent sur un territoire étrangeret d’agences spécialisées comme l’agence d’aide au développement USAID. La mission militaire, l’Office of Security Cooperation-Iraq (OSC-I), comprendrait entre 150 et 260 militaires et plusieurs cen- taines de personnels civils du Pentagone, soutenus par des contrac- tants privés, (en tout 8900 personnes)10. L’Irak bénéficie d’une aide américaine au financement de l’acquisition d’armements US d’un montant de 11,9 milliards $ – dont 140 chars M1A Abrams, 18 avions de combat F-16 (sur les 36 prévus), et 6 avions cargos C130J11. La poursuite de la présence militaire US en Irak est justi- fiée par Washington par les déficiences des forces de sécurité ira- kiennes. En effet, les moyens ISR et de C2 (commandement et contrôle) irakiens sont très limités, l’armée de l’air irakienne n’étant capable que depuis peu d’effectuer des sorties et d’opérer des com- munications en temps réel avec des stations au sol mobiles. Selon le chef d’état-major interarmées irakien, le général Boubaker Shawkat Zebari, les forces de sécurité irakiennes ne pourront fonc- tionner de façon autonome qu’à partir de 202012.Malgré le regain des attentats terroristes de ces derniers mois, le niveau de violence de 2013 en Irak demeure moins élevé que celui des années de guerre civile ouverte (2006-2008). Mais la crise syrienne a sérieusement détérioré le climat sécuritaire en Irak, avec le renforcement de la branche djihadiste la plus active proche d’Al Qaïda. Au risque d’insurrection djihadiste, s’ajoutent les tensions entre les acteurs Kurdes et Arabes à Ninive et à Kirkouk, ainsi que l’affrontement, plus ou moins contenu, entre les Peshmergas et les troupes gouvernementales dans les zones disputées entre la région autonome du Kurdistan et Bagdad. Le nombre de morts dans les attentats et combats s’élève à 5300 de janvier 2013 à fin octobre2013. La faiblesse des forces de sécurité irakiennes, sous-équipées10. Les personnels de l’OSC-I ont pour tâches centrales : 1) la modernisation de3 divisions de l’armée irakienne d’ici fin décembre 2014 ; 2) l’entraînement, les exer- cices communs et le conseil auprès du ministère de la Défense irakien et des structures de commandement des forces irakiennes ; 3) superviser les personnels des compagnies privées chargés de former les Irakiens pour l’utilisation des systèmes d’armes US. SIGIR Quarterly Report and Semiannual Report to the United States Congress, July 30,2012, p. 52, www.sigir.mil/publications/quarterlyreports/index.html11. Idem.12. « Iraq takes delivery of final batch of of US Tanks », Defense News, August29, 2012,  http://mobile.defensenews.com/article/308290006mais également infiltrées par les milices des factions dominantes et des services étrangers, est le résultat de la stratégie américaine qui n’a pas eu pour objectif la reconstruction d’un pouvoir central fort doté d’un appareil sécuritaire consolidé. L’objectif premier des États-Unis était d’influencer la situation politique pour favoriser l’option du fédéralisme souple et ainsi maintenir une influence dans le pays et dans la région. Il ne s’agissait pas d’une stratégie indi- recte de soutien à un régime dans sa lutte contre l’insurrection, mais d’un engagement direct contre l’insurrection, et par là de « cons- truction » et d’influence du terrain politique irakien – stratégie qua- lifiée de « bottom-up » (à partir du terrain) ou de « COIN-plus » (la contre-insurrection  avec  plus  d‘engagement  sociopolitique).  En fait, les gains tactiques militaires opérés par la Coalition, et les rap- ports avec les acteurs décentralisés (tribus, autorités locales, divers groupements sociaux) qu’ils impliquaient, ont créé de facto un schéma décentralisé sur le terrain13. Le « succès » de la stratégie américaine en Irak, par rapport à ses objectifs, ne se mesure donc pas en termes de « pacification », même si la campagne intensive de contre-insurrection de 2006-2008 (nommée « surge ») a large- ment contribué à enrayer la guerre civile. Son « succès » se mesure par l’ampleur du changement politique opéré, qui est allé bien au- delà du « changement de régime », faisant table rase de toutes les structures étatiques13. La stratégie « bottom-up » a consisté à éliminer les mouvements d’insurgés de façon durable et à établir à partir du terrain les conditions d’équilibrage entre les forces locales et le gouvernement central. Le plan de campagne, établi en mai 2007 par le général Petraeus et l’ambassadeur Crocker et une équipe d’experts, la Joint Strategic Assessment Team, menée par le spécialiste de la contre-insurrection David J. Kilcullen, envisageait trois politiques à mettre en œuvre simultanément (plutôt que trois phases successives) : la protection de la population dans les zones violentes ; l’aide à consoli- dation des institutions notamment en créant des liens entre les gouvernements locaux et provinciaux et le gouvernement central (rôle des Provincial Reconstruction Team, PRT) ; et l’épuration des officiels et officiers corrompus et sectairesL’option du « power sharing » ethno-confessionnel en IrakLe « changement de régime » opéré par les États-Unis en Irak à partir de 2003 a en effet pris des formes radicales. La Coalition Provisional Authority (CPA), l’autorité chargée de gérer la transi- tion au début de l’occupation (avril 2003-juin 2004), a ordonné par décrets le démantèlement de toutes les institutions étatiques ira- kiennes et a encadré la reconstitution d’un appareil d’État selon un impératif : ne pas reconstruire un État centralisé fort. Les options présentées aux Irakiens parties prenantes de la reconstruction (les représentants de l’opposition à Saddam Hussein) reposaient dès lors sur la notion d’un fédéralisme proche du confédéralisme et sur la limite des capacités militaires (structures de forces calibrées pour la contre-insurrection mais pas pour les conflits majeurs). La CPA a également favorisé le système de la représentation politique sur la base  ethno-confessionnelle,  notamment  en  désignant,  en juillet2003, un conseil consultatif irakien non-souverain (Iraq Governing Council, IGC) composés de 25 membres sélectionnés non pas selon leur représentativité politique, ou leur capacité technocratique, mais selon un partage ethnique et confessionnel. Sous pression de nom- breux représentants politiques et du Grand Ayatollah Sistani, les États-Unis ont accepté un retour à la souveraineté irakienne le30 juin 2004 (une souveraineté sous contrôle, avec des ministères encadrés par le personnel US et des forces de sécurité limitées dans leur capacité), et la tenue d’élections nationales à la fin 2005. Contrairement aux constitutions précédentes (celles de 1925 ou de1990, par exemple), la nouvelle constitution établie en 2005, par un groupe d’experts américains et irakiens, fait mention à plusieurs reprises de la segmentation de l’Irak en nationalités, ethnies, sectes et religions (cf art.3 « Iraq is a country of many nationalities, reli- gions and sects »). Le discours officiel américain, largement relayé par les think tanks et les médias, a imposé dès le départ une lecture ethno-confessionnelle des conflits internes irakiens et une approche de gestion des crises fondée sur le partage du pouvoir (power sha- ring) entre les groupes ethno-confessionnels majeurs (arabes chii- tes, arabes sunnites, kurdes), avec la garantie de la préservation des droits des minoritésOr, si les segmentations sociales sur des bases tribales et ethno- confessionnelles existent en Irak, elles n’ont pas constitué le facteur déterminant dans la construction de l’État-nation en Irak depuis l’indépendance (après le départ des Britanniques en 1932). En dehors du facteur irrédentiste kurde, la vie sociale et politique dans l’Irak contemporain (et parmi les exilés) a été marquée par différents courants intellectuels et mouvements politiques à visée non commu- nautariste, certains laïcs (baassisme, marxisme, nationalisme, panara- bisme), d’autres islamistes et donc naturellement inscrits dans une tradition confessionnelle. En ce sens si les factions majeures ont lar- gement tablé sur un discours, sur des programmes et des réseaux à forte teneur ethno-confessionnelle durant les premières années de l’après Saddam Hussein, depuis les élections de 2010 elles tendent à développer des stratégies d’alliance transcommunautaires et un discours de rassemblement national.L’établissement de la nouvelle constitution irakienne, en 2004-2005, aurait dû/pu être un moment fondateur. À la lumière des expé- riences de « nation-building » des États en crise de l’après-guerre froide (Europe de l’Est, Balkans), la constitution apparaît comme une étape initiale symbolique pour la reconstruction sociale, la redy- namisation du « vivre ensemble », le cheminement vers la démocra- tie. Or, dans la plupart des cas l’établissement d’une constitution intervient dans la phase de post-conflit. Dans le cas irakien elle a été conçue en plein conflit et a donc été le résultat de négociations et de compromis politiques difficilement atteints entre les factions. En conséquence, le sens de certains articles demeure opaque, il subsiste des contradictions entre des articles, et les orientations majeures qui ont fait le consensus dans la forme, à savoir l’Islam comme source d’inspiration du droit, la préservation des droits de l’homme et le fédéralisme, demeurent vagues quant à leur mise en pratique.En somme, le « changement de régime » opéré par les États-Unis a été plus loin que la mise en place d’un nouvel appareil d’État, il a contribué à redéfinir l’État même en Irak mais en laissant intactes, voire en exacerbant, les contradictions sociohistoriques. La transi- tion en elle même, celle qui implique en premier lieu la réconcilia- tion et la sortie de crise politique, sécuritaire et humanitaire grave14,
14. Rappelons les faits établis par l’ONU : près de 7 millions d’Irakiens (23 % de la population) vivent dans la pauvreté (dépensent moins de 2,2 $ par personne et par jour) ;et peut mener vers un modèle de gouvernance nationale démocra- tique, doit être pensée et proposée à terme par les Irakiens eux- mêmes, en particulier par les diverses élites (politiques, intellectuelles, religieuses, associatives)

?Des moyens politico-normatifs pour une stratégie de gestion des transition

La stratégie de « changement de régime » en Irak doit être envi- sagée dans le cadre plus global de la stratégie américaine d’influence  et  de  normalisation  (shaping)  du  « Grand  Moyen Orient ». Cette stratégie, de type préemptif, vise à implanter dans la région des systèmes et des dispositifs de contrôle, normatifs, éco- nomiques, « société civile » (ONG, relais privés locaux), en paral- lèle aux dispositifs militaires, qui dans l’avenir pourront sécuriser une position de puissance des acteurs américains. Le volet politico- normatif de cette stratégie, qui a été globalisé par sa cooptation par le G8 (Broader Middle East and North Africa Initiative, 2004), vise à favoriser la libéralisation et la rationalisation (par le développe- ment humain et infrastructurel) des économies et l’élargissement de la participation politique et citoyenne. L’Initiative de partenariat avec le Moyen-Orient (Middle East Partnership Initiative, MEPI) lancée en décembre 2002 et réactualisé en 2004 (sous le terme Greater Middle East Initiative, GMEI), est un programme d’aide à la démocratisation et à la libéralisation économique, essentiellement par l’aide directe aux acteurs de la société civile. En parallèle les États- Unis visent à établir une zone de libre échange dans la région, à tra- vers la Middle East Free Trade Area (MEFTA) Initiative lancée en mai2003, avec une promesse d’aide à l’accession à l’OMC, des accords commerciaux préférentiels, des investissements et des transferts de technologie15. Les mesures d’accompagnement à la libéralisationprès de 1,5 million d’Irakiens sont réfugiés à l’étranger, 1 million sont déplacés à l’intérieur ; 30 % des Irakiens n’ont pas accès à l’eau potable, et 16 % des Irakiens sont en insécurité alimentaire. Voir le site de l’ONU en Irak : http://www.japuiraq.org/reports.asp et du HCR   http://data.unhcr.org/syrianrefugees/ regional.phpSelon les différentes estimations le conflit (2003-2011) aurait fait entre 150 000 et1 million de victimes civiles.15. Pour des informations sur MEPI, MEFTA, et G8 Broader Middle East andNorth Africa Initiative voir http://www.state.gov/ – À ce jour cinq États de cette régiondes économies visent à faciliter l’ajustement structurel par des réformes macro-économiques mais également la promotion des acteurs de la société civile – participation citoyenne ; réforme des systèmes éducatifs ; l’émancipation de la femmeCes initiatives qui ont été lancées par les États-Unis après les attentats du 11 septembre 2001 et après le déclenchement des guerres en Afghanistan et en Irak, sont donc à considérer comme le pendant« soft power » d’une stratégie d’engagement armé contre le terro- risme et contre tous les facteurs « anti-accès ». Après son discours au Caire en juin 2009, où il lançait un appel à la réforme démocratique dans le monde arabe, le président Barak Obama avait demandé au Congrès d’augmenter l’aide à la démocratisation. Le financement était passé de 800 millions $ à 1,5 milliard $. Or, 86 % de cette aide étaient alloués à l’Irak, l’Afghanistan et le Pakistan. Cet « effet d’annonce » est assez représentatif de la politique américaine entre2002 et 2011 : les faibles moyens, financiers, diplomatiques et média- tiques, engagés pour faire pression sur les régimes n’ont pu qu’inciter à faire des réformes superficielles. Ces réformes superficielles n’ont fait qu’exaspérer les courants contestataires au sein des popula- tions, et n’ont pas permis l’expression et l’institutionnalisation des mouvements d’opposition. Les réformes superficielles, les faibles ouvertures politiques opérées, alliées à des tentatives de libéralisa- tion économique (privatisations, ouverture au capital étranger), ont pu mener à l’écroulement partiel des régimes en Tunisie et en Egypte (les militaires sont toujours au pouvoir) et au démantèlement du régime en Libye (mais pas sa démocratisation). Cependant dans le Golfe elles ont plutôt contribué à inciter les régimes autoritaires à ren- forcer leur emprise, et à exercer un interventionnisme militaire direct et indirect (Bahreïn, Yémen, Libye, Syrie, et soutien au djihadisme régional).sont formellement intégrés dans des accords de libre échange avec les États-Unis : Israël (UDS-Israel Free Trade Area, 1985, amendé en 1996 pour inclure la Cis- Jordanie et Gaza) ; la Jordanie (US-Jordan FTA, 2001) ; le Maroc (US-Morocco FTA2004) ; et le Bahreïn (US-Bahrein FTA, 2005) ; Oman (US-Oman FTA, 2006). Ces accords concernent : des mesures de baisse des barrières tarifaires et non-tarifaires (échelonnées sur 10 ans) ; la protection des droits à la propriété intellectuelle ; le com- merce électronique, les secteurs industriels, agricoles et banquiers ; les normes sani- taires et sociales et de protection de l'environnementLa chute d’un régime allié comporte des risques stratégiques cer- tains pour les États-Unis, d’où une politique d’incitation à l’ouverture politique prudente qui compose avec un paradoxe : un régime auto- cratique qui opère quelques réformes ne devient pas un régime démo- cratique mais un régime semi-autocratique fragilisé face aux mena- ces sécuritaires internes et externes. Par ailleurs, les mouvements d’opposition qui accèdent à la décision politique après une chute partielle d’un régime autocratique, ne sont pas forcément favorables au maintien d’une relation stratégique forte avec les États-Unis. La solution établie pour atténuer les effets pervers de ce paradoxe des« semi-autocraties » affaiblies par les réformes et laissant la place à des forces hostiles aux intérêts US, est celle du « power sharing ». L’option du partage du pouvoir entre plusieurs forces politiques, aux niveaux national et local, est considérée par le département d’État comme une voie de sortie des crises de légitimation des régimes auto- cratiques, un moyen d’apaiser le mécontentement populaire face aux crises socio-économiques, et une étape vers la démocratisation. Cette option est également considérée comme une possibilité de mettre un terme au format de l’État centralisé fort au profit des formules fédé- rales souples. Plus prosaïquement, elle offre aux acteurs américains (publics, privés, services de renseignement) la possibilité d’établir des réseaux d’influence au sein des structures sociales qui acquièrent avec le « power sharing » un poids dans la décision politique, notam- ment les tribus, les minorités, les autorités locales, les acteurs émer- gents de la société civile. En ce sens il est évident que l’Irak a servi de terrain d’expérimentationL’Irak représente un cas, certes extrême, de la stratégie américaine de gestion de la transition sociopolitique des États de la région. Cette stratégie repose sur un fragile équilibre entre des actions favorisant la fin des États forts centralisés et le soutien à des options sociales englobantes. Les États-Unis disposent de solides moyens pour inciter les régimes en place à opérer une transition, comme le montre la décision du président Obama de couper l’aide militaire à l’Egypte après le coup d’état militaire de juillet 2013, ou la décision de rapprochement avec l’Iran au détriment des relations avec les monarchies du Golfe déclinantes. Mais ils devront opter pour des stratégies moins unilatéralistes, qui prennent en compte les acteurs régionaux et globaux dans leur capacité à contribuer auxrèglements des crises et conflits. Certains de ces acteurs régionaux, empêtrés dans leurs contradictions et incapable
d’opérer une transition, risquent de continuer à déployer des stratégies nocives de déstabilisation. C’est le cas des monarchies du Golfe qui reposent sur un féodalisme tribaliste et semblent incapables d’envisager une transition qui progressivement instaurerait l’État de droit (opposé à la norme tribale), puis l’alternance de type partage du pouvoir (au delà des familles régnantes) et ensuite la représentation démocratique. D’autres acteurs régionaux ont récemment entamé une stratégie de normalisation, et s’ils parvenaient à mener à bien leur processus de transition, pourraient devenir des partenaires dans la résolution des conflits régionaux. C’est le cas de l’Iran qui semble progresser vers l’ouverture et peut-être à terme la réforme, et c’est également le cas de l’Irak qui a adopté le pluralisme et pourrait dans un contexte plus pacifié développer un mode démocratique de gouvernance. Quant aux acteurs globaux, l’Union Européenne, la Russie et la Chine, ils ont tous intérêt à participer à l’effort d’aide à la transition pacifique dans leur périphérie amenée à s’intégrer comme une immense zone de co-développement

es acteurs régionaux, empêtrés dans leurs contradictions et incapable
d’opérer une transition, risquent de continuer à déployer des stratégies nocives de déstabilisation. C’est le cas des monarchies du Golfe qui reposent sur un féodalisme tribaliste et semblent incapables d’envisager une transition qui progressivement instaurerait l’État de droit (opposé à la norme tribale), puis l’alternance de type partage du pouvoir (au delà des familles régnantes) et ensuite la représentation démocratique. D’autres acteurs régionaux ont récemment entamé une stratégie de normalisation, et s’ils parvenaient à mener à bien leur processus de transition, pourraient devenir des partenaires dans la résolution des conflits régionaux. C’est le cas de l’Iran qui semble progresser vers l’ouverture et peut-être à terme la réforme, et c’est également le cas de l’Irak qui a adopté le pluralisme et pourrait dans un contexte plus pacifié développer un mode démocratique de gouvernance. Quant aux acteurs globaux, l’Union Européenne, la Russie et la Chine, ils ont tous intérêt à participer à l’effort d’aide à la transition pacifique dans leur périphérie amenée à s’intégrer comme une immense zone de co-développement

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